MONTAIMONT

UN VILLAGE MEURTRI

   par la guerre de 1914-1918

Comme beaucoup de Communes, Montaimont a payé un lourd tribu pour la défense de la Patrie. Le monument aux morts nous dit l’ampleur de l’hémorragie humaine « 60 morts » Il en a même été dénombré 68 en incluant ceux qui sont décédés peu après l’Armistice suite aux séquelles provoquées par les blessures, la vie pénible des tranchées et surtout les gaz.

              C’est une commune de Maurienne dont les villages s’échelonnent entre 1.000 et 1.400 mètres, sa superficie est de 2.799               ha dont plus de la moitié en biens communaux, située à 10 km du chef-lieu de canton : LA CHAMBRE.

             Il convient de signaler une forte influence chrétienne, les comptes de La Fabrique de 1902 mentionnent une population              catholique de 1.200 habitants pour un recensement de 1.231 habitants en 1901. La réunion de la Savoie à la France se              fait à l’unanimité des 307 votants.

             Avant la grande Guerre de 14-18, MONTAIMONT a une ressource importante : l’émigration. En effet, pendant l’hiver des              hommes et des jeunes gens quittent la commune pour la région parisienne, comme ramoneurs bien sûr, ouvriers de              ferme, et cochers de fiacre  Mais, la principale ressource de cette commune est l’agriculture. Beaucoup de familles font              l’élevage  des bœufs de travail qu’on appelle « Mellons » issus de la race tarine et très recherchés pour leur robuste              constitution.

   La mécanisation des grandes fermes dans les années 1950 a fait cesser ce négoce, nos voisins d’Albiez qui formaient des mulets que les maquignons leurs confiaient à l’âge d’un an pour les reprendre à trois ans ont connu la  même   mésaventure

             J’ai choisi aujourd’hui de vous faire partager la misère de cette laborieuse population meurtrie par 52 mois de guerre qui              ont bouleversé les destins individuels car confrontés à un conflit sans terme prévisible.

             C’est une misère, que bien sûr, je n’ai pas connu, mais toute ma jeunesse a été marquée par la cohabitation avec les              vétérans de la Grande Guerre qui avaient tous un lopin de terre ou de vignes à St Martin/la Chambre, de même que ma             propre famille qui n’a pas été épargnée par ce conflit.

            Les blessures par éclats d’obus, l’amputation de leurs membres, remplacés par des prothèses, en disaient beaucoup sur             la violence des combats et ces survivants du front étaient une mémoire vivante, mais la guerre, ils n’en parlaient qu’entre             eux.

            L’ultimatum autrichien à la Serbie était destiné à déclencher la guerre européenne et la mobilisation de l’Armée française.

L’annonce dans l’après-midi, du samedi 1er août 1914 devient effective le dimanche 02 août 1914 à l’issue de 5 semaines de crise diplomatique européenne, et le 03 août 1914, l’Allemagne notifie sa déclaration de guerre à la France. 

Cette mobilisation se fait par voie d’affiche par le garde-champêtre et bien sûr le tocsin. Le lundi 03 août, tous les réservistes doivent rejoindre leur affectation en temps de guerre. 

La grosse cloche de MONTAIMONT qui annonce la triste nouvelle porte la mention « J’honore Dieu, j’appelle les vivants, je pleure les morts ». Elle sera hélas, beaucoup sollicitée pendant et après les hostilités pour des circonstances douloureuses.

             En ce début d’août, la population est occupée aux travaux de moisson et les sonneries des cloches se répondant de              clocher en clocher causent un moment de stupeur.

Tout travail cesse immédiatement, les femmes pleurent, beaucoup d’hommes aussi. Certains réservistes, n’ont pu saluer leur famille car se trouvant en région parisienne, ils doivent rejoindre directement leur affectation.

Ce départ a été présenté unanime et enthousiaste par la Préfecture, mais, les témoignages que j’ai recueilli, modifient cette image patriotique. 

Cette maudite guerre fait des ravages et fin août 1914, MONTAIMONT compte déjà 7 morts. Il faut dire que ces soldats se trouvaient en grande partie dans les chasseurs alpins avec batterie de montagne, et surtout dans l’infanterie. Ces soldats appartenaient à la 28 ème Division qui a eu le triste privilège d’avoir le plus grand nombre de soldats morts pour la France, car sa mission était sur le Front.

             Ce fut le sort de toutes les communes de montagne car n’ayant pas d’industrie, personne ne fut mobilisé sur place pour              l’armement ou autre.

Le pourcentage des morts de la guerre à MONTAIMONT par rapport au recensement de 1911 se situe à 5%. La commune la plus touchée est BONNEVAL SUR ARC avec 8,85%, suivi d’Albanne 7,78%, alors que le pourcentage en Maurienne est de 3,92%.

 

Conséquences de ce conflit sur la Commune :

 

On peut citer que MONTAIMONT a perdu entre les recensements de 1911 et 1921, 270 habitants, ceci à cause des décès, de la dénatalité et de l’exode des familles vers Paris.

 

Au 1er août 1915, la liste des morts est de 30, il va falloir s’adapter à une guerre de longue durée. Les services de la Préfecture ont le souci de maintenir le moral de nos familles. L’agriculture manque de bras, malgré le dévouement des anciens, des femmes, des enfants, d’un vieil oncle qui remplace le chef de famille, des permissions agricoles de 15 à 20 jours sont accordées au cours de l’année 1915.

L’agriculture a la lourde tache de nourrir l’arrière pays et de ravitailler le front.

             L’instituteur, puis par la suite, le Maire et le Curé sont invités à consigner au jour le jour les événements pour « former une              sorte de répertoire d’histoire locale ». L’Etat attribue une allocation aux familles des mobilisés les plus démunis, afin de              maintenir le moral sur le Front.

             Dès le début de la guerre des emprunts nationaux se succèdent, une campagne est faite pour le versement d’or qui est             converti en billets de banque.

             En 1916,l’emprunt en Savoie est de 26,6 millions de francs, en 1917, il n’est plus que de 16.3 millions, car les poilus sur le              front déconseillent aux familles de verser de l’argent et toutes les mesures qui pourraient prolonger les hostilités.

 

Les instituteurs en parfaits républicains avaient des formulaires d’emprunt destinés aux parents d’élèves, ils avaient la mission de faire circuler les informations officielles et de faire taire les rumeurs pessimistes qui parvenaient du front, par courrier ou par les permissionnaires, ces derniers étaient souvent accueillis à la gare ou raccompagnés au train avec une petite pièce de monnaie, donnée par l’instituteur.

 

En Maurienne, Monseigneur FODERE refusa tout appui au gouvernement et ne voulu pas intervenir auprès de son clergé pour le premier emprunt de la défense nationale, ce qui explique le relatif échec dans la riche commune de Valloire.

              Rebellion de Mai-Juin 1917 :

             Après 2 ans de tranchées, une certaine agitation règne dans les Régiments d’Elite de l’Infanterie où servent des                   savoyards et en particulier le (17°-23°-30°-75°-97°-99°-153°-158° et 217°), MONTAIMONT très peu concerné n’a pas                eu de fusillé pour l’exemple.

             Aucun soldat de cette commune ne se trouvait dans le train de permissionnaires qui revenait d’Italie et qui dérailla à St              Michel de Maurienne dans la nuit du 12 au 13 décembre 1917 faisant plus de 400 morts. 

Jean COURT (jean de la gonteille) du Tarramur racontait qu’il était dans ce train…jusqu’en gare de Modane..il en était descendu pour boire un canon.. il avait manqué son train !

                                                           11 NOVEMBRE 1918 :       Signature de l ‘Armistice

 

Pour MONTAIMONT, c’est l’heure du bilan :

 

                     68 morts ou disparus

 

                     6 familles ont perdu 2 enfants

 

                   3 familles ont perdu 3 enfants

 

Si près de 40 soldats disparus étaient célibataires, les autres mariés laissaient plus de 30 orphelins. Le village de La Perrière a lui seul à 19 morts, plus de 80 combattants reviennent traumatisés, blessés dans leur chair, d’autres se trouvent encore dans les hôpitaux mis en place pour la guerre.

 

Le retour de ces soldats provoquent une augmentation des mariages 20 en 1920 et 21 baptêmes par an de 1921 à 1925. Si tous les garçons trouvent facilement une épouse, il n’en n’est pas de même pour les jeunes filles beaucoup seront vouées au célibat à cause de la guerre.

 

Au retour de la guerre, un casse-croûte a été organisé au hameau de La Perrière, le plus important en population, mais le cœur n’y était pas, à côté d’eux des parents pleuraient leurs enfants.

 

1920 – Création du Ministère des Anciens Combattants :

 

Les soldats de MONTAIMONT ont reçus de nombreuses et élogieuses citations, de nombreuses distinctions dont 3 légions d’honneur pour leur conduite exemplaire et courageuse, mais, un second parcours du combattant commençait pour faire reconnaître et évaluer leurs blessures.

 

 

1928 – Carte du Combattant pour les poilus 14-18 :

 

Les cicatrices étaient à peine refermées lorsque survint la guerre 39-40. Les enfants et neveux des victimes et combattants de la première connurent le départ en août et septembre, il y eut 128 mobilisés, une vingtaine devait partager le triste sort des prisonniers de guerre de 1940 à 1945.

 

Je terminerai par la déclaration de CLEMENCEAU faisant référence aux Poilus de 14-18 « Ils ont des droits sur nous »

 

Jean ANDRE à Saint-Martin sur la Chambre

 

 

 

 Ce sera un massacre et 27  soldats pour nos 3 communes y laisseront la vie en quelques semaines.

Puis virent la 1ere  bataille de la MARNE, et la course à la mer ce qui eut pour effet de refouler les forces allemandes sur une ligne de front qui de VERDUN a DIXMUDE en Belgique ne variera peu au cours des 4 années suivantes. Les régiments de Chasseurs Alpins seront transférés des VOSGES vers la CHAMPAGNE, l ’ARTOIS et la SOMME.

       Ces soldats solides montagnards pour la majorité ont souvent été mis en avant et c’est pourquoi de nombreuses citations       et médailles viendront récompenser leur courage très souvent à titre posthume. 30 médailles  au moins, a titre posthume pour les 68 morts de MONTAIMONT.

 

       Sur la colline de LORETTE  stupidement abandonnée à l’ennemi en 1914, et qu’il fallut reconquérir par la suite au prix   de 280 000 morts (dans les 2 camps) nos compatriotes laissèrent 10 tués dont un seul eut une sépulture à MAREUIL.

 

Puis ce fut la bataille de VERDUN en 1916 ou 7 Savoyards principalement de MONTGELLAFREY laissèrent la vie

 

Pendant ce temps dans la SOMME et aux environs, ce furent 13 soldats qui furent tués.

 

On ne dira jamais assez la barbarie de cette guerre

 

 

MONTAIMONT

 

LES BULLETINS du REVEREND SALOMON

Curé de Montaimont

 

Bulletins de  novembre 1927 à janvier 1935

 

 

Les bulletins paroissiaux du Curé SALOMON ont été édités  chaque mois a partir de novembre 1927, les 2 premiers numéros ont été distribués gratuitement et a partir de janvier 1928 servis par abonnement.

4 francs par an pour les gens du pays, 6 francs  pour les habitants hors du pays

 

Extrait du 1er numéro :

« Afin de conserver dans tous les cœurs le souvenir des nombreux enfants de Montaimont, morts au cours de la  Guerre de 1914-1918, je me propose de consacrer dans le bulletin, une notice sur chacun d’eux. Je sais bien que les actes de courage et d’héroïsme de nos chers soldats n’ont pas été tous  l’objet d’une récompense officielle (croix de guerre, médaille militaire…)Je signalerai du moins ceux qui sont connus ou qui ont été suivis  d’une citation ou décoration.

En conséquence, je prie les parents  de bien vouloir me fournir tous les renseignements utiles pour cela. Les notices paraîtront dans le bulletin dans l’ordre ou les renseignements m’auront été fournis. »

 

En décembre 1932 après 62 numéros, le Curé Salomon avait édité 38 fiches (35 + 3)  et faisait un rappel auprès des familles  pour obtenir des renseignements complets.

 

Le dernier numéro traitant de la guerre de 14-18 est paru en décembre 1934, il portait le numéro 86.

 

SALOMON faisait la conclusion suivante :

« Il y a 7 ans qu’a commencé sur le bulletin paroissial la petite notice nécrologique sur les soldats de la paroisse, morts au cours de la guerre ou des suites de celle-ci. L’unique but  de ce modeste travail est d’abord de sauver leurs noms de l’oubli, de conserver ensuite , pour leur famille   et pour ceux qui s’y intéressent (ils devraient etre nombreux),la connaissance des principales étapes de leur vie  pendant la guerre , de leurs souffrances de leurs blessures, de leurs citations, de leur mort et du lieu ou leurs restes reposent, autant que tout cela est possible , seize ans après l’armistice. Mais le temps passe, les souvenirs s’effacent, des familles émigrent ou disparaissent…, autant de chose qui rendent les renseignements difficiles à obtenir.

Néanmoins, la  réunion de ces notices sur chacun de ces héros, morts au service de la patrie, forme un Livre d’or  qui  en dit tout de meme un peu plus long que la simple inscription de leurs noms sur le monument, ou ne figurent meme pas tous.

Malgré toute ma bonne volonté à les rechercher, désespérant d’obtenir de plus amples renseignements sur ces soldats  dont il reste à parler , je vais , ce mois  signaler au moins leurs noms avec ce qui m’est possible de savoir sur eux. »

 

C’est ainsi que le Curé SALOMON  évoque en quelques lignes la vie et la mort des 11 derniers  soldats  de sa liste.

 

Tout est dit dans cette note finale et aujourd’hui à la fin de l’année 1999,les difficultés pour retrouver les faits  et gestes de ces 68 disparus est encore plus difficile, c’est tout le mérite de Jean ANDRE d’avoir fait son enquête auprès des familles.

 

Le vœu du Curé sera exaucé 65 ans après.

 

60 morts inscrits sur le monument aux morts érigé en 1921.

 

68 morts recensés  et numérotés par le Curé Salomon.

 

Enfin J SALOMON faisait le récapitulatif suivant :

 

 « le n° 65 par lequel se termine la longue liste de nos morts pour la patrie n’est pas exact ; une erreur  de numérotage s’est glissée entre le bulletin  n°20 et le suivant. En réalité, ce sont 68 soldats qui ont reçu leur petite notice c’est le chiffre de ceux dont les noms sont rappelés le 11 novembre devant le monument  qui, lui, n’en porte inscrits que 60  »

 Le numéro  87 de janvier 1935 donnait en plus une récapitulation par classes et par années, il donnait aussi des renseignements sur les décès, les régiments et les situations de famille.

 On retiendra que 61 sont morts  durant la guerre, et que 7 sont décédés des suites de guerre ; sans oublier les nombreux blessés et mutilés…. 

Des tableaux plus complets, vérifiés et détaillés ont été établis par la suite, en 1999 en utilisant les précieux renseignements du Curé SALOMON.

  Le « mot final » du Curé SALOMON était le suivant :

  « Nous tous qui,  à des titres divers , bénéficions des sacrifices  de ces 68 enfants  de la paroisse que la guerre nous a ravis, veillons à garder toujours fidèlement leur souvenir dans nos pensées et dans nos prières. »

  Joseph SALOMON, né à VALMEINIER, a été Curé de MONTAIMONT de 1926 à 1938.Il avait succédé à Joseph NEYROUD (de MONTENDRY) qui avait été Curé de la paroisse de 1907 à 1926 c’est à dire durant la Grande Guerre.